Ivan Franko

IVAN FRANKO (1856-1916)

« En près de quarante années d’activité littéraire je suis passé par différentes étapes, j’ai servi plusieurs tendances, dont le romantisme et le réalisme, et même plusieurs nations, car outre l’ukrainien j’ai écrit en polonais, allemand et russe », notait-il peu avant de mourir. Poète, romancier, dramaturge, penseur, éminent spécialiste d’histoire littéraire et d’ethnographie, Ivan Franko a effectivement laissé une œuvre abondante, à laquelle se nourriront les poètes et écrivains de plus d’une génération. À ce titre, il peut être considéré comme appartenant au « trio fondateur » de la littérature ukrainienne, avec Chevtchenko et Lessia Ukraïnka.

 

La Madone Sixtine / Сікстинська Мадонна

Qui ose nier ton essence divine ?
Où est l’impie, le profane que laisse
Indifférent ton visage céleste,
Que ta beauté ne touche et n’illumine ?

Rose du paradis, mère ô déesse,
Tourne vers moi ton regard qui domine,
Car à mon tour aujourd’hui je m’incline,
Moi qui n’ai cru aux dieux d’aucune espèce.

On peut douter du Ciel et de l’Enfer,
Tenir les dieux pour des contes en l’air :
Aux plus défiants ta beauté se dévoile.

Un jour les hommes oublieront les dieux,
Tu seras seule vénérée par eux,
Déesse à tout jamais ― là, sur la toile.

Хто смів сказать, що не богиня ти?
Де той безбожник, що без серця дрожі
В твоє лице небесне глянуть може,
Неткнутий блиском твої красоти?

Так, ти богиня! Мати, райська роже,
О глянь на мене з свої висоти!
Бач, я, що в небесах не міг найти
Богів, перед тобою клонюсь тоже.

О бозі, духах мож ся сумнівати
І небо й пекло казкою вважати,
Та ти й краса твоя – не казка, ні!

І час прийде, коли весь світ покине
Богів і духів, лиш тебе, богине,
Чтить буде вічно – тут, на полотні.

 

Parabole de l’amour

En Egypte un vil courtisan
Dit à Joseph en le flattant :

« Ah, que je t’aime, Monseigneur,
Pour ta beauté et ta douceur ! »

Mais sachant le prix de ces mots,
Joseph répondit aussitôt :

« Je me souviens de tristes jours…
Ami, reprends donc ton amour !

Mon père m‘aimait plus que tout,
Alors mes frères trop jaloux

Dans une fosse m’ont jeté,
Et j’ai perdu ma liberté.

Quand la femme de Putiphar
S’éprit si fort de moi plus tard,

Son amour, stérile pourtant,
Me mit en prison pour sept ans.

Et c’est pourquoi, je le confesse,
Je crains ton amour plus que peste ! »